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L’ANCIEN RÉGIME


dit qu’il y en a « une immensité ». Arthur Young, en 1789, s’étonne de leur prodigieuse multitude et « penche à croire qu’elles forment le tiers du royaume ». de serait déjà notre chiffre actuel, et l’on trouve encore, à peu de chose près, le chiffre actuel, si l’on cherche le nombre des propriétaires comparé au nombre des habitants.

Mais, en acquérant le sol, le petit cultivateur en prend pour lui les charges. Tant qu’il était simple journalier et n’avait que ses bras, l’impôt ne l’atteignait qu’à demi « où il n’y a rien, le roi perd ses droits ». Maintenant, il a beau être pauvre et se dire encore plus pauvre, le fisc a prise sur lui par toute l’étendue de sa propriété nouvelle. Les collecteurs, paysans comme lui et jaloux à titre de voisins, savent ce que son bien au soleil lui a rapporté ; c’est pourquoi on lui prend tout ce qu’on peut lui prendre. En vain il a travaillé avec une âpreté nouvelle, ses mains restent aussi vides, et, au bout de l’année, il découvre que son champ n’a rien produit pour lui. Plus il acquiert et produit, plus ses charges deviennent lourdes. En 1715, la taille et la capitation, qu’il paye seul ou presque seul, étaient de 66 millions ; elles sont de 93 en 1759, de 110 en 1789[1]. En 1757, l’impôt est de 283 156 000 livres ; en 1789, de 476 294 000.

  1. Compte général des revenus et dépenses fixes au 1er  mai 1789 (Imprimerie royale, 1789). — Duc de Luynes, XVI, 49. — Buchez et Roux, I, 206, 374. (Il ne s’agit ici que des pays d’élection ; mais, dans les pays d’états, l’augmentation n’est pas moins forte.) — Archives nationales H2, 1610 (paroisse du Bourget, en Anjou). Extrait des rôles de la taille pour trois métairies à M. de Ruillé. Impôts en 1762, 334 livres 3 sous, en 1783, 372 livres 15 sous.