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L’ANCIEN RÉGIME


« une barrique de vin de Bordeaux, les droits des devoirs et le cinquième en sus l’impôt, le billot, les 8 sous pour livre et les deniers d’octrois montent à plus de 72 livres, non compris le prix d’achat ; à quoi il faut ajouter les frais et droits dont le marchand de Rennes fait l’avance et qu’il reprend sur l’acheteur, sortie de Bordeaux, fret, assurance, droit d’écluse, droit d’entrée pour la ville, droits d’entrée pour les hôpitaux, droits de jaugeage, de courtage, d’inspecteurs aux boissons. Total 200 livres au moins à débourser par le cabaretier pour débiter une seule barrique de vin. » On devine si, à ce prix, le peuple de Rennes peut en boire, et toutes ces charges retombent sur le vigneron, puisque, si les consommateurs n’achètent point, il ne vend pas.

Aussi bien, parmi les petits cultivateurs, il est le plus digne de pitié ; au témoignage d’Arthur Young, vigneron et misérable sont alors deux termes équivalents. Sa récolte manque souvent, et « toute récolte hasardeuse ruine l’homme qui n’a pas de capital ». En Bourgogne, en Berry, dans le Soissonnais, dans les Trois-Évêchés, en Champagne[1], je trouve par tous les rapports qu’il manque de pain et qu’il est à l’aumône. En Champagne, les syndics de Bar-sur-Aube écrivent[2] que

  1. Procès-verbaux de l’assemblée provinciale de Soissonnais (1787), 45. — Archives nationales, H, 1515. (Remontrances du Parlement de Metz, 1768.) « La classe des indigents forme plus des 12/13 de la totalité des villages de labour et le général de ceux de vignobles. » Ibidem, G, 319. (Tableau des directions de Châteauroux et d’Issoudun.)
  2. Albert Babeau, I, 21, 89.