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L’ANCIEN RÉGIME


accablante, c’est que les plus forts et les plus capables de la porter sont parvenus à s’y soustraire, et la misère a pour première cause l’étendue des exemptions.

Suivons-les d’impôt en impôt. — En premier lieu, non seulement les nobles et les ecclésiastiques sont exempts de la taille personnelle, mais encore, ainsi qu’on l’a déjà vu, ils sont exempts de la taille d’exploitation pour les domaines qu’ils exploitent eux-mêmes ou par leurs régisseurs. En Auvergne[1], dans la seule élection de Clermont, on compte cinquante paroisses où, grâce à cet arrangement, toutes les terres des privilégiés sont exemptes, en sorte que toute la taille retombe sur les taillables. Bien mieux, il suffit aux privilégiés de prétendre que leur fermier n’est qu’un régisseur : c’est le cas, en Poitou, dans plusieurs paroisses ; le subdélégué et l’élu n’osent y regarder de trop près. De cette façon, le privilégié s’affranchit de la taille, lui et tout son bien, y compris ses fermes. — Or, c’est la taille qui, toujours accrue, fournit par ses délégations spéciales à tant de services nouveaux. Il suffit de repasser l’histoire de ses crues périodiques pour montrer à l’homme du Tiers que, seul ou presque seul, il a payé et paye[2] pour la construction des ponts, chaussées, canaux et palais de justice, pour le rachat des offices, pour l’établissement et l’entretien des maisons de refuge, des asiles d’aliénés, des pépinières, des postes

  1. Gaultier de Biauzat, Doléances, 193, 225. — Procès-verbaux de l’assemblée provinciale du Poitou (1787), 99.
  2. Gaultier de Biauzat. Ibid.