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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/302

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L’ANCIEN RÉGIME


recèle ainsi ses révoltés qui ont de la poudre, des balles et qui savent s’en servir.

Autre recrue d’émeute, les contrebandiers et les faux sauniers[1]. Dès qu’une taxe est exorbitante, elle invite à la fraude, et suscite un peuple de délinquants contre son peuple de commis. Jugez ici du nombre des fraudeurs par le nombre des surveillants : douze cents lieues de douanes intérieures sont gardées par 50 000 hommes, dont 23 000 soldats sans uniforme[2]. « Dans les pays de grande gabelle et dans les provinces des cinq grosses fermes, à quatre lieues de part et d’autre de long de la ligne de défense, » la culture est abandonnée ; tout le monde est douanier ou fraudeur[3]. Plus l’impôt est excessif, plus la prime offerte aux violateurs de la loi devient haute, et, sur tous les confins par lesquels la Bretagne touche à la Normandie, au Maine et à l’Anjou, quatre sous pour livre ajoutés à la gabelle multiplient au delà de toute croyance le nombre déjà énorme des faux sauniers. « Des bandes nombreuses[4] d’hommes, armés de frettes ou longs

  1. Beugnot. I, 142. « Pas un seul des habitants de la baronnie de Choiseul ne se mêla à ces bandes, composées des patriotes de Montigny, de contrebandiers ou de mauvais sujets des environs. » — V. sur les braconniers du temps, Les deux amis de Bourbonne, par Diderot.
  2. Calonne, Mémoires présentés à l’Assemblée des Notables, n° 8. — Necker, De l’Administration des Finances, I, 195.
  3. Letrosne, De l’Administration des Finances. 59.
  4. Archives nationales, H, 425 (Mémoires des fermiers généraux, 13 janvier 1781, 15 septembre 1782). H, 614 (Lettre de M. de Coëtlosquet, du 25 avril 1777). H, 1431, Rapport par les fermiers généraux, du 9 mars 1787.