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LE PEUPLE


« voleurs et assassins uniquement parce qu’ils manquent de pain. Ce n’est là encore qu’une légère idée des désordres que j’ai vus sous mes yeux[1]. » — « Excessive en elle-même, la misère des campagnes l’est encore dans les désordres qu’elle entraîne ; il ne faut point chercher ailleurs la source effrayante de la mendicité et de tous ses vices[2]. » — À quoi bon des palliatifs ou des opérations violentes contre un mal qui est dans le sang et qui tient à la constitution même du corps social ? Quelle police peut être efficace dans une paroisse où le quart, le tiers des habitants n’ont pour manger que ce qu’ils vont quêter de porte en porte ? À Argentré, en Bretagne[3], « sur 2300 habitants sans industrie ni commerce, plus de la moitié ne sont rien moins qu’à l’aise et plus de 500 sont réduits à la mendicité ». À Dainville, en Artois, « sur 130 maisons, 60 sont sur la table des pauvres[4] ». En Normandie, d’après les déclarations des curés, « sur 900 paroissiens de Saint-Malo, les trois quarts peuvent vivre, le reste est malheureux ». — « Sur 1500 habitants de Saint-Patrice, 400 sont à l’aumône ; sur 500 habitants de Saint-Laurent, les trois quarts sont à l’aumône. » À Marbœuf, dit le cahier, « sur

  1. Archives nationales, H, 614. (Mémoire par René de Hauteville, avocat au Parlement, Saint-Brieuc, 25 décembre 1776.)
  2. Procès-verbaux de l’Assemblée provinciale du Soissonnais (1787), 457.
  3. Archives nationales, H, 616. (Lettre de M. Caze de la Bove, intendant de Rennes du 23 avril 1774.)
  4. Périn, la Jeunesse de Robespierre, 301. (Doléances des paroisses rurales en 1789.)