Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/355

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Pourtant l’historien n’est pas — il n’est pas d’ailleurs souhaitable qu’il soit — un être impersonnel, émancipé de toute influence, sans date et sans patrie. L’esprit de son temps et de son pays est en lui ; il a soin de décrire aussi exactement que possible la vie de nos ancêtres comme ils l’ont vécue ; mais à mesure qu’il se rapproche de nos jours il s’intéresse de préférence aux questions qui préoccupent ses contemporains.

S’il étudie le règne de Louis XIV, il s’arrête plus longtemps à l’effort tenté par Colbert pour réformer la société française et faire de la France le grand atelier et le grand marché du monde, qu’à l’histoire diplomatique et militaire de la guerre de Hollande, affaire depuis longtemps close. On ne s’étonnera donc pas si Colbert — et ceci n’est qu’un exemple choisi entre beaucoup — occupe dans notre récit une place plus grande que de Lionne ou Louvois.

Ainsi, à mesure que la vie générale se transforme et que varie l’importance relative des phénomènes historiques, la curiosité de l’historien, emportée par le courant de la civilisation, se déplace et répond à des sentiments nouveaux.

Les éditeurs de l’Histoire de France ont voulu donner à la génération présente la plus sincère image qui puisse lui être offerte de notre passé, glorieux de toutes les gloires, traversé d’heures sombres, parfois désespérées, mais d’où la France toujours est sortie plus forte, en quête de destinées nouvelles et entraînant les peuples vers une civilisation meilleure.

Ils souhaitent avoir réussi.