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LA RÉVOLUTION


finira par forcer la main à l’Assemblée nationale et par obtenir la suppression définitive de son octroi[1]. — De tous les créanciers dont chacun sentait la main sur son dos, le fisc était le plus âpre, et maintenant il est le plus faible ; c’est pourquoi il est le premier dont on secoue l’étreinte, et il n’y en a point qu’on haïsse ou maltraite plus fort. Surtout contre les gabelous, les douaniers et les rats de cave, l’acharnement est universel. Partout[2] ils sont en danger de mort, obligés de fuir. À Falaise, en Normandie, on veut « hacher en morceaux » le directeur des aides. À Baignes, en Saintonge, sa maison est dévastée, ses effets et papiers brûlés. On porte à son fils, un enfant de six ans, le couteau sur la gorge, en lui disant : « Il faut que tu périsses, afin qu’il n’y ait plus personne de ta race. » Pendant quatre heures, les commis sont à chaque minute sur le point d’être mis en pièces ; sauvés, à force de supplications, par le seigneur qui voit les faux et les sabres levés sur sa propre tête, ils ne sont relâchés qu’à condition « d’abjurer leur

  1. Décret du 1er février 1791, appliqué le 1er mai suivant.
  2. Archives nationales, D, XXIX, I. Lettre du comte de Montausier, 8 août, avec notes de M. Paulian, directeur des aides (Très belle lettre, modeste, généreuse et finissant par demander grâce pour un peuple égaré). — H, 1453. Lettre du procureur de l’élection de Falaise, 17 juillet, etc. — Moniteur, I, 303, 387, 503, (séances des 7 et 22 août, du 23 septembre). « Les revenus du roi vont toujours en diminuant. » — Buchez et Roux, III, 219 (séance du 24 octobre 1789). — Discours d’une députation de l’Anjou : « Soixante mille hommes sont armés ; les barrières ont été détruites ; les chevaux des commis ont été vendus à l’encan ; il a été enjoint aux employés de se retirer de la province sous huit jours. Les habitants ont déclaré qu’ils ne payeraient pas d’impôts tant que la gabelle subsisterait. »