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LA RÉVOLUTION


« Saint-Germain et de Saint-Marcel. Le vaste enclos du Temple, celui de Saint-Jean de Latran, le faubourg Saint-Antoine : vous trouverez au moins douze mille individus coupant, ajustant et cousant. » Combien d’oisifs à présent dans ces deux groupes ? Combien d’autres sur le pavé parmi les tapissiers, passementiers, brodeurs, éventaillistes, doreurs, carrossiers, relieurs, graveurs, et tous les fabricants d’élégances parisiennes ! Pour ceux qui travaillent encore, combien de journées perdues à la porte du boulanger et aux patrouilles de la garde nationale ! — Ils s’attroupent, malgré les défenses de l’Hôtel de Ville[1], et délibèrent en public sur leur condition misérable, trois mille garçons tailleurs près de la Colonnade, autant de garçons cordonniers sur la place Louis XV, les garçons perruquiers aux Champs-Élysées, quatre mille domestiques sans place aux abords du Louvre, et leurs motions sont à la hauteur de leur intelligence. Les domestiques demandent qu’on renvoie de Paris les Savoyards qui leur font concurrence. Les garçons tailleurs veulent qu’on leur paye leur journée quarante sous et qu’on défende aux fripiers de faire des habits neufs. Les garçons cordonniers prononcent que ceux qui feront des souliers au-dessous du prix fixé seront chassés du royaume. — Chacune de ces foules irritées et agitées contient une émeute en germe, et, à vrai dire, sur tous les pavés de Paris, il y a de ces germes, aux ateliers de charité qui, à Montmartre,

  1. Ferrières. I, 178. — Buchez et Roux, II, 311, 316. — Bailly, II, 104, 174, 207, 246, 257, 282.