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LA RÉVOLUTION


parmi les gens qui tuent, ceux-ci sont au premier rang, et cela n’étonne point, pour peu qu’on se rappelle leur provenance, leur éducation et leurs mœurs. C’est un soldat de Royal-Cravate qui a arraché le cœur de Bertier. Ce sont trois soldats du régiment de Provence qui, à Saint-Denis, ont forcé la maison de Châtel et traîné sa tête dans les rues. Ce sont des soldats suisses qui à Passy, viennent d’abattre à coups de fusil le commissaire de la maréchaussée. — Leur quartier général est le Palais-Royal, parmi les filles dont ils sont les suppôts, et parmi les agitateurs qui leur donnent le mot d’ordre. Désormais tout dépend de ce mot, il n’y a qu’à regarder les nouveaux chefs populaires pour savoir ce qu’il sera.

III

Administrateurs et membres des assemblées de district, motionnaires de corps de garde, de cafés, de cercles et de place publique, faiseurs de brochures et de gazettes, ils ont pullulé comme des insectes bourdonnants éclos en une nuit d’orage. Depuis le 14 juillet, des milliers de places se sont offertes aux ambitions lâchées ; « procureurs, clercs de notaire, artistes, marchands, courtauds de boutique, comédiens, » avocats surtout[1], chacun a voulu être officier, administrateur,

  1. Ferrières, I, 103. — Lavalette, I, 39. — Bailly, I, 53. (Sur les avocats) : « On peut dire que l’on doit à cet ordre le succès de la Révolution. » — Marmontel, II, 243. Dès les élections primaires de Paris en 1789, « j’observai, dit-il, cette espèce d’hommes remuants et intrigants, qui se disputaient la parole, impatients