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LA RÉVOLUTION


font rouler les dogmes ronflants du catéchisme révolutionnaire. Tel, passant du mur mitoyen à la constitution des empires, s’improvise législateur, d’autant plus intarissable et plus applaudi que sa faconde, déversée sur les assistants, leur prouve qu’ils ont naturellement toutes les capacités et légitimement tous les droits. « Quand cet homme ouvrait la bouche, dit un témoin de sang-froid[1], nous étions sûrs d’être inondés d’un déluge de citations et de sentences, souvent à propos de lanternes ou de l’échoppe d’une marchande d’herbes. Sa voix de stentor ébranlait les voûtes, et, quand il avait parlé pendant deux heures et que le jeu de ses poumons était épuisé, c’étaient des cris, une admiration, une ivresse qui allait jusqu’à la fureur. L’orateur se croyait alors Mirabeau, et les spectateurs se figuraient être l’Assemblée constituante décidant du sort de la France. » — Même style dans les journaux et dans les brochures. Une fumée d’orgueil et de grands mots s’est répandue dans les cervelles ; celui qui délire le plus haut est le coryphée de la multitude, et il conduit l’exaltation qu’il accroît.

Considérez les principaux, les plus populaires : ce sont les fruits secs ou les fruits verts de la littérature et du barreau. Tous les matins, la gazette est l’étal qui les expose en vente, et, s’ils conviennent au public surexcité, c’est justement par leur goût acide ou aigri. Nulle idée politique dans leurs têtes novices ou creuses ; nulle compétence, nulle expérience pratique. Desmoulins a

  1. Lavalette, Mémoires, I, 40.