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LA RÉVOLUTION


présent[1], Marat dénonce le roi, les ministres, l’administration, la robe, le barreau, la finance, les académies ; tout cela est « suspect » ; en tout cas, le peuple ne souffre que par leur faute. « C’est le gouvernement qui accapare les grains, pour nous faire acheter au poids de l’or un pain qui nous empoisonne. » C’est encore le gouvernement qui, par une conjuration nouvelle, va bloquer Paris pour l’affamer plus aisément. — De pareils propos en pareil temps sont des brandons d’incendie lancés sur la peur et sur la faim pour y allumer la fureur et la cruauté. À cette foule effarée et à jeun, les motionnaires et les journalistes répètent qu’il faut agir, agir à côté des autorités, et, au besoin, contre elles. En d’autres termes, faisons ce qu’il nous plaira ; nous sommes les seuls maîtres légitimes ; « dans un gouvernement bien constitué, le peuple en corps est le véritable souverain : » nos délégués ne sont là que pour exécuter nos ordres ; « de quel droit l’argile oserait-elle se révolter contre le potier ? »

Là-dessus, le club tumultueux qui remplit le Palais-Royal se substitue à l’Assemblée de Versailles ; n’a-t-il pas tous les titres pour cet emploi ? C’est le Palais-Royal qui, le 12 et le 13 juillet, « a sauvé la nation ». C’est

  1. Buchez et Roux, III, 55, article de Marat, 1er octobre. « Balayer de l’Hôtel de Ville tous les hommes suspects… Réduire les députés des communes à cinquante, ne les laisser en place qu’un mois ou six semaines, les forcer à ne rien transiger qu’en public. » — Et II, 412 autre article de Marat. — Ib., III, 21. Article de Louslalot. — C. Desmoulins, Discours de la Lanterne, passim. — Bailly, II, 326.