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L’ANARCHIE SPONTANÉE


d’instruire à nouveau les députés, ses domestiques. — Le surlendemain, 2 août, pour plus de clarté, de nouveaux délégués du même Palais-Royal joignent le geste aux paroles ; introduits devant les représentants de la Commune, ils leur indiquent, en portant les deux doigts au cou, que, s’ils n’obéissent pas, ils seront pendus.

Après cela, l’Assemblée nationale a beau s’indigner, déclarer qu’elle méprise les menaces, protester de son indépendance ; l’impression est faite. « Plus de trois cents membres des Communes, dit Mounier, étaient décidés à soutenir le veto absolu. » Au bout de dix jours, la plupart ont tourné, plusieurs par attachement pour le roi, parce qu’ils craignent « un soulèvement général », et ne « veulent pas mettre en péril les jours de la famille royale ». — Mais de semblables concessions ne font que provoquer des extorsions nouvelles. Les politiques de la rue savent maintenant par expérience ce que peut la violence brutale sur l’autorité légale. Enhardis par le succès et l’impunité, ils mesurent leur force et sa faiblesse. Encore un coup de main, ils seront les maîtres et sans conteste. — Aussi bien, pour les hommes clairvoyants, l’issue est déjà certaine. Quand les motionnaires de carrefour et les portefaix du coin, convaincus de leur sagesse supérieure, imposent des décrets par la force de leurs poumons, de leurs poings et de leurs piques, à l’instant l’expérience, le savoir, le bon sens, le sang-froid, le génie, la raison sont expulsés des affaires humaines, et l’on va aux abî-