Aller au contenu

Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 3, 1909.djvu/215

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
199
L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


l’État. « On avait triomphé par le peuple ; il n’y avait pas moyen de se montrer sévère avec lui[1] » ; c’est pourquoi, « quand il s’agissait de réprimer les insurrections, l’Assemblée était sans cœur et sans force ». — « On blâme par décence, on ménage par politique », et, par un juste retour, on subit soi-même la pression que l’on autorise contre autrui. Trois ou quatre fois seulement, quand la sédition devient trop insolente, après le meurtre du boulanger François, dans l’insurrection des Suisses à Nancy, dans l’émeute du Champ-de-Mars, la majorité, qui se sent elle-même menacée, vote ou applique la loi martiale, et repousse la force par la force. Mais ordinairement, quand le despotisme populaire ne s’exerce que sur la minorité royaliste, elle laisse opprimer ses adversaires et ne se croit pas atteinte par les violences qui assaillent le côté droit : ce sont des ennemis, on peut les livrer aux bêtes. Là-dessus, le côté gauche a pris ses dispositions ; son fanatisme n’a pas de scrupules ; il s’agit des principes, de la vérité absolue ; à tout prix, il faut qu’elle triomphe. D’ailleurs peut-on hésiter à recourir au peuple dans la cause du peuple ? Un peu de contrainte aidera le bon droit ; c’est pourquoi, tous les jours, le siège de l’Assemblée recommence. Déjà, avant le 6 octobre, on le faisait à Versailles ; à présent, à Paris, il continue plus vif et moins déguisé.

Au commencement de 1790[2], la bande soudoyée com-

  1. Dumont, 133. — Montlosier, I, 355, 361.
  2. Bertrand de Moleville, II, 221. (D’après un rapport de police judiciaire.) — Schmidt, Tableaux de La Révolution, I, 215. (Rapport