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LA RÉVOLUTION


de Castries vient d’être saccagé par la populace, ils applaudissent. Lorsqu’il s’agit de décider si la religion catholique sera dominante, ils « crient qu’il faut pendre tous les aristocrates et qu’alors tout ira bien ». Tous leurs attentats, non seulement restent impunis, mais encore sont encouragés : tel noble qui se plaint de leurs huées est rappelé à l’ordre, et leur intervention, leurs vociférations, leurs insultes, leurs menaces, sont désormais introduites comme un rouage régulier dans l’opération législative. — Aux abords de la salle, leur pression est encore pire[1]. À plusieurs reprises, l’Assemblée est obligée de doubler sa garde. Le 27 septembre 1790, il y a quarante mille hommes autour d’elle pour lui extorquer le renvoi des ministres, et, sous ses fenêtres, on fait « des motions d’assassinat ». Le 4 janvier 1791, pendant que, sur l’appel nominal, les députés ecclésiastiques montent tour à tour à la tribune pour prêter ou refuser le serment à la Constitution civile du clergé, une clameur furieuse s’élève dans les Tuileries et perce jusque dans la salle : « À la lanterne ceux qui refuseront ! » Le 27 septembre 1790, M. Dupont de Nemours,

    l’ordre. Vous parlez de gêne des suffrages ; il n’y en a jamais eu dans cette Assemblée. »

  1. Sauzay, I, 140. Lettre de M. Lompré, député libéral à M. Séguin, chanoine (vers le 2 novembre 1789) : « Le service devient tous les jours plus difficile ; nous sommes devenus l’objet des fureurs du peuple, et, lorsqu’il n’y a plus eu d’autre ressource pour éviter la tempête que de nous défaire des possessions du clergé, nous avons cédé à la force. La nécessité était devenue pressante et j’aurais été fâché que vous fussiez encore ici et exposé conséquemment aux outrages et aux violences dont j’ai été plusieurs fois menacé. »