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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 3, 1909.djvu/220

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LA RÉVOLUTION


libéral, le plus ferme de cœur et d’esprit, Malouet, déclare qu’en « allant à l’Assemblée il oubliait rarement d’emporter ses pistolets[1] ». — « Depuis deux ans, dit-il après l’évasion du roi, nous n’avions pas joui d’un instant de liberté et de sécurité. » — « Quand vous allez dans un établissement de boucherie, écrit un autre député, vous pouvez trouver à l’entrée une provision d’animaux qu’on laisse vivre encore quelque temps, jusqu’à ce que l’heure soit venue de les détruire. Telle était, chaque fois que j’entrais à l’Assemblée nationale, l’impression que me faisait cet ensemble de nobles, d’évêques et de parlementaires qui remplissaient le côté droit, et que les exécuteurs du côté gauche laissaient respirer encore quelque temps. » Outragés et violentés jusque sur leurs bancs, « placés entre les périls du dedans et ceux du dehors[2], entre les hostilités des galeries » et celles des aboyeurs de l’entrée, « entre les insultes personnelles et l’abbaye de Saint-Germain, entre les éclats de rire qui célèbrent l’incendie de leurs châteaux et les clameurs qui, trente fois dans le quart d’heure, brisent leur opinion », livrés et dénoncés « aux dix mille cerbères » du journalisme et de la rue qui les poursuivent de leurs hurlements et qui « les couvrent de leur bave », tout moyen est bon pour terrasser leur résistance, et, à la fin de la session, en pleine Assemblée, on leur promet de « les

  1. Malouet, II, 68. — Montlosier, II, 257, 217. (Discours de M. Lavie, 18 septembre 1791).
  2. Mercure, 1er octobre 1791. (Article de Mallet du Pan.)