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LA RÉVOLUTION


mot ci-devant, sera interdit de ses fonctions. Ainsi, non seulement on abolit les anciens noms, mais encore on veut en effacer le souvenir. Encore un peu de temps, la loi puérile deviendra meurtrière. Encore un peu de temps, aux termes de ce même décret, tel vieux militaire de soixante-sept ans, serviteur loyal de la République, général de brigade sous la Convention, sera arrêté en rentrant dans son village, parce que, machinalement, sur le registre du comité révolutionnaire, il aura signé Montpereux au lieu de Vannod, et, pour cette infraction, il sera guillotiné avec son frère et sa belle-sœur[1].

C’est que dans cette voie on ne peut s’arrêter ; car les principes proclamés vont beaucoup au delà des décrets rendus, et une mauvaise loi en amène une pire. — L’Assemblée constituante[2] avait présumé que les redevances annuelles, telles que le champart, et les redevances éventuelles, telles que les lods et ventes, étaient le prix d’une ancienne concession de fonds ; par suite, elle avait mis la preuve du contraire à la charge du tenancier. L’Assemblée législative va présumer que ces mêmes redevances sont l’effet d’une vieille usurpation féodale ; par suite, elle va mettre la preuve du contraire à la charge du propriétaire. Ni la possession immémoriale, ni les quittances multipliées et régulières ne pourront établir son droit ; il faudra qu’il produise l’acte d’inféodation vieux de plusieurs siècles, le bail à cens

  1. Sauzay, V, 400-410.
  2. Duvergier, lois des 15-19 juin 1791 des 18 juin-6 Juillet 1792, des 25-28 août 1792.