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LA RÉVOLUTION


du 6 octobre. — Dans les derniers mois de la Constituante[1], « l’émigration se fait, par troupes et se compose d’hommes de tout état… Douze cents gentilshommes sont sortis du Poitou seul ; l’Auvergne, le Limousin, dix autres provinces, viennent également d’être dépeuplées de leurs propriétaires. Il est des villes où il ne reste plus que des artisans de basse profession, un club, et cette nuée de fonctionnaires dévorants crées par la Constitution. La noblesse de Bretagne est entièrement sortie ; l’émigration commence en Normandie ; elle s’achève dans les provinces frontières ». — « Plus des deux tiers de l’armée vont se trouver sans officiers. » En présence du nouveau serment qui omet exprès le nom du roi, « six mille ont donné leur démission ». — Peu à peu l’exemple est devenu contagieux : ce sont des gens d’épée, et le point d’honneur les pousse ; beaucoup vont rejoindre les princes à Coblentz, et combattront contre la France, en croyant ne combattre que contre ses bourreaux. — L’Assemblée a traité les nobles comme Louis XIV a traité les protestants[2]. Dans les deux cas, les opprimés étaient une élite. Dans les deux cas, on leur a rendu la France inhabitable. Dans les deux cas, on les a réduits à l’exil et on les a punis de s’exiler. Dans les deux cas, on a fini par confisquer leurs biens, et par punir de mort tous ceux qui leur donnaient asile. Dans les deux cas, à force de persécutions, on les a pré-

  1. Mercure, n° du 10 septembre 1791 et du 15 octobre 1791. Lire la très belle lettre du chevalier de Mesgrigny, nommé colonel pendant la suspension du roi et refusant son nouveau grade.
  2. Cf. les Mémoires de M. de Bostaquet, gentilhomme normand.