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LA RÉVOLUTION


façon d’un parlement ; le soir, le président invite les spectateurs à venir signer les motions qu’on a faites dans la journée et dont les originaux sont déposés au café Foy[1]. Ils comptent sur leurs doigts les ennemis de la patrie, « et d’abord deux Altesses Royales (Monsieur et le comte d’Artois), trois Altesses Sérénissimes (le prince de Condé, le duc de Bourbon et le prince de Conti), une favorite (Mme de Polignac), MM. de Vaudreuil, de la Trémoille, du Châtelet, de Villedeuil, de Barentin, de la Galaisière, Vidaud de la Tour, Bertier, Foullon et même M. Linguet ». Des placards demandent un carcan sur le pont Neuf pour l’abbé Maury. Un orateur propose « de brûler la maison de M. d’Esprémenil, sa femme, ses enfants, son mobilier et sa personne, ce qui passe à l’unanimité ». — Nulle contradiction n’est tolérée ; un assistant ayant témoigné de l’horreur pour les motions meurtrières, « il est saisi au collet, on l’oblige à se mettre à genoux, à faire amende honorable, à baiser la terre ; on lui inflige le châtiment des enfants, on l’enfonce plusieurs fois dans un des bassins, après quoi on le livre à la populace qui le roule dans la boue ». Le lendemain un ecclésiastique est foulé aux pieds, lancé de main en main. Quelques jours après, le 22 juin, il y a encore deux exécutions semblables. La foule souveraine exerce toutes les fonctions de la puissance souveraine, avec celles de législateur celles de juge, avec celles de juge

  1. Montjoie, 2e partie, 69, 77, 124, 144. — C. Desmoulins, lettres du 24 juin et des jours suivants.