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LA RÉVOLUTION


est de mode. Organisés en milices et confiés à eux-mêmes, les deux partis ne peuvent manquer de tirer l’un sur l’autre, d’autant plus que les nouvelles lois ecclésiastiques viennent, de mois en mois, frapper, comme autant de marteaux, sur la sensibilité catholique, et faire jaillir une pluie d’étincelles sur les amorces de tant de fusils chargés.

À Montauban, le 10 mai 1790, jour de l’inventaire et de l’expropriation des communautés religieuses[1], les commissaires ne peuvent entrer ; des femmes en délire se sont couchées en travers des portes ; il faudrait leur passer sur le corps, et un grand attroupement se forme aux Cordeliers, où l’on signe une pétition pour le maintien des couvents. — Témoins de cette effervescence, les protestants prennent peur : quatre-vingts de leurs gardes nationaux marchent sur l’hôtel de ville, et s’emparent à main armée du poste qui le couvre. La municipalité leur ordonne de se retirer ; ils refusent. — Là-dessus, les catholiques assemblés aux Cordeliers se précipitent en tumulte, lancent des pavés, ébranlent les portes à coups de poutres. Quelqu’un crie que les protestants réfugiés dans le corps de garde tirent par la fenêtre. Aussitôt la multitude furieuse envahit l’arsenal, s’arme de tout ce qu’elle y trouve, fusille le corps de garde ; cinq protestants sont tués, vingt-quatre blessés. Un officier municipal et la maréchaussée sauvent les autres, mais on les oblige à venir deux à deux, en che-

  1. Mary Lafon, Histoire d’une ville protestante (avec les pièces originales, extraites des archives de Montauban).