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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


seul effet de l’offre et de la demande, il faut une police capable de protéger les propriétés, les transactions et les transports. À mesure que dans un État l’autorité devient plus faible, la sécurité devient moindre ; à mesure que la sécurité devient moindre, la répartition des subsistances devient plus difficile, et la gendarmerie est un rouage indispensable dans la machine qui nous apporte chaque jour notre pain quotidien. — C’est pourquoi, en 1791, le pain quotidien manque à beaucoup d’hommes. Par le seul jeu de la Constitution, aux extrémités et au centre, tous les freins, déjà si lâches, se sont desserrés et se desserrent chaque jour davantage. Les municipalités, qui sont les vraies souveraines, répriment plus mollement le peuple, les unes parce qu’il est plus hardi et qu’elles sont plus timides, les autres parce qu’elles sont plus radicales et qu’elles lui donnent toujours raison. La garde nationale s’est lassée, ne vient pas, ou refuse de faire usage de ses armes. Les citoyens actifs sont dégoûtés et restent chez eux. À Étampes[1], où ils sont tous convoqués par les commissaires du département pour aviser aux moyens de rétablir un ordre quelconque, il ne s’en présente que vingt ; les autres disent, pour s’excuser, que, si la populace les savait contraires à ses volontés, « elle brûlerait leurs maisons », et ils s’abstiennent. « Ainsi, écrivent les commissaires, la chose publique est abandonnée à la discrétion des artisans et des ouvriers,

  1. Archives nationales, F7, 3268. Procès-verbal et observations des deux commissaires envoyés à Étampes, 22-25 septembre 1791.