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LA RÉVOLUTION


Aux mois de juillet et d’août 1789, dans presque toutes les villes du royaume, les barrières ont été brûlées, et l’Assemblée nationale a beau ordonner de les rétablir, maintenir les droits et les octrois, expliquer au peuple les besoins publics, lui rappeler pathétiquement qu’elle l’a déjà soulagé d’ailleurs, le peuple aime bien mieux se soulager lui-même, tout de suite et tout à fait. Plus d’impôts sur les objets de consommation, ni au profit de l’État, ni au profit des villes. « Les perceptions d’entrées sur les vins et les bestiaux, écrit la municipalité de Saint-Étienne, sont presque nulles, et nos forces insuffisantes pour les appuyer. » — À Cambrai[1], deux émeutes successives ont obligé le bureau des aides et le magistrat de la ville à diminuer de moitié les droits sur la bière. Mais « le mal, borné d’abord à un coin de la province, s’est bientôt propagé » ; à présent, écrivent les grands baillis de Lille, Douai et Orchies, « nous n’avons presque plus de bureaux qui n’aient essuyé des avanies et où l’impôt ne soit absolument à la discrétion du peuple ». Ceux-là seuls payent qui le veulent bien ; aussi « la fraude ne saurait être plus grande qu’elle n’est ». — En effet, les contribuables sont ingénieux pour se défendre, et trouvent des arguments ou des arguties pour se soustraire aux droits. À Cambrai ils alléguaient que, puisque maintenant les privilégiés payent comme les autres, le trésor doit être assez riche[2].

  1. Archives nationales, F7, 3248. Lettre de M. Sénac de Meilhan, 10 avril 1790. — Lettre des grands baillis, 30 juin 1790.
  2. Buchez et Roux, VI, 403. Rapport de Chabroud sur l’insur-