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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


Toulouse[1], où la superbe forêt de Larramet est dévastée en plein jour et à main armée, où le gaspillage populaire n’a rien laissé du taillis et des futaies que « quelques arbres épars et des restes de troncs coupés à diverses hauteurs », les municipalités de Toulouse et de Tournefeuille refusent toute assistance. Bien pis, en d’autres provinces, par exemple en Alsace, « des municipalités entières, leurs maires en tête, coupent les bois qui sont à leur bienséance et les emportent[2] ». — Si quelque tribunal veut appliquer la loi, c’est sans effet, à ses propres risques, au risque de ne pouvoir juger ou d’être contraint de se déjuger. À Paris, la sentence préparée contre les incendiaires de l’octroi n’a pu être rendue. À Montargis, la sentence rendue contre les maraudeurs, qui volaient des charretées de bois dans les forêts nationales, a dû être réformée, et par les juges eux-mêmes. Au moment où le tribunal prononçait la confiscation des charrettes et des bêtes saisies, des cris de fureur se sont élevés contre lui ; il a été insulté par l’assistance ; les condamnés ont déclaré tout haut qu’ils reprendraient de force leurs charrettes et leurs bêtes. Sur quoi « les juges se retirent dans la chambre du conseil, et bientôt après, remontant sur leurs sièges, annulent dans leur jugement tout ce qui regarde la confiscation ».

Pourtant cette justice, si dérisoire et si violentée

  1. Archives nationales, F7, 3219. Lettre du bailli de Virieu, 26 janvier 1792.
  2. Mercure de France, 3 décembre 1791 (lettre de Sarrelouis, du 15 novembre 1791). — Archives nationales, F7, 3223. Lettre des officiers municipaux de Montargis, 8 janvier 1792.