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LA RÉVOLUTION


— Tel est l’esprit de la Constitution[1] : en vertu de la théorie et pour mieux assurer la séparation des pouvoirs, on a détruit à jamais leur entente volontaire, et, pour suppléer à leur concorde impossible, il ne reste plus qu’à faire de l’un le maître et de l’autre le commis.

On n’y a pas manqué, et, pour plus de sûreté, on a fait de celui-ci un commis honoraire. C’est en apparence et de nom qu’on lui a donné le pouvoir exécutif ; de fait il ne l’a pas, on a eu soin de le remettre à d’autres. — En effet tous les agents d’exécution, tous les pouvoirs secondaires et locaux, sont électifs. Directement ou indirectement, le roi n’a aucune part au choix des juges, accusateurs publics, évêques, curés, percepteurs et receveurs de l’impôt, commissaires de police, administrateurs de district et de département, maires et officiers municipaux. Tout au plus, lorsqu’un administrateur viole la loi, il peut annuler ses actes, le suspendre ; encore l’Assemblée, pouvoir supérieur, a-t-elle le droit de lever cette suspension. — Quant à la force armée dont il est censé le commandant en chef, elle lui échappe tout entière : la garde nationale n’a pas d’ordre à recevoir de lui ; la gendarmerie et la troupe sont tenues d’obéir aux réquisitions des autorités municipales qu’il ne peut ni choisir ni révoquer. Bref, toute action locale, c’est-à-dire toute action effective, lui est retirée. — On a brisé de

  1. « Toute société dans laquelle la séparation des pouvoirs n’est pas déterminée n’a point de Constitution. » (Déclaration des Droits, article XVI). — Ce principe est emprunté à un texte de Montesquieu et à la Constitution américaine. Pour tout le reste on a suivi la théorie de Rousseau