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LA RÉVOLUTION


que son projet et donne son motif : pur prétexte. Il donne par signe un ordre à son valet de chambre : complicité certaine. M. de Bussy, ses six hôtes, son valet de chambre, sont arrêtés, transportés à Mâcon. Là, procès, dépositions, interrogatoires : la vérité y éclate, même à travers les témoignages les plus malveillants ; il est clair que M. de Bussy n’a jamais songé qu’à se défendre. — Mais le préjugé est un bandeau pour des yeux hostiles ; on ne veut pas admettre que, sous la Constitution qui est parfaite, un innocent ait pu courir des dangers ; on lui objecte « qu’il n’est pas naturel de former une compagnie armée pour s’opposer à une dévastation dont rien ne le menace » ; on est sûr d’avance qu’il est coupable. Sur un décret de l’Assemblée nationale, le ministre avait ordonné que les accusés seraient conduits à Paris par la maréchaussée et les hussards ; la garde nationale de Mâcon, « dans le plus grand désordre », déclare que, « M. de Bussy ayant été arrêté par elle, elle n’entend pas que sa translation ait lieu par un autre corps… Sans doute, le projet est de le faire évader en route » ; mais elle saura garder sa capture. En effet, de sa propre autorité, elle escorte M. de Bussy jusqu’à Paris, dans les prisons de l’Abbaye, où il reste détenu pendant plusieurs mois, tant qu’enfin, après nouvelle enquête et procès, l’absurdité de l’accusation devenant trop palpable, on est obligé de l’élargir. — Telle est la situation de la plupart des gentilshommes dans leur domaine, et M. de Bussy, même acquitté et justifié, fera sagement de ne pas retourner dans le sien.