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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


sur lui qui ne soit teint de son sang qui ruisselle jusque dans ses souliers ». En cet état, avec M. de Saffray, il est conduit au château ; d’autres enfoncent la porte de M.  du Rozel, vieil officier de soixante-quinze ans, qui en a cinquante-neuf de service, et le poursuivent jusque par-dessus le mur de son jardin. Un quatrième peloton saisit M. d’Héricy, autre officier septuagénaire, qui, comme M. du Rozel, ignorait tout, et partait paisiblement pour sa maison de campagne. — La ville est pleine de tumulte, et, par les ordres de la municipalité, la générale bat.

Pour les constables volontaires, le moment d’agir est venu ; environ soixante gentilshommes, avec quelques marchands et artisans, se mettent en marche. Selon les statuts de leur association et avec un scrupule significatif, ils prient un officier de la garde nationale qui passait là de se mettre à leur tête, arrivent sur la place Saint-Sauveur, rencontrent l’officier major envoyé vers eux par la municipalité, et, à sa première injonction, se laissent conduire par lui à l’hôtel de ville. Là, sans qu’ils fassent aucune résistance, ils sont arrêtés, désarmés, fouillés. On saisit sur eux les statuts de leur ligue : évidemment, ils tramaient une contre-révolution. La clameur est terrible contre eux ; on est obligé, « pour leur sûreté », de les conduire au château, et, dans le trajet, plusieurs sont cruellement maltraités par la multitude. D’autres, pris chez eux, M. Levaillant, un domestique de M. d’Héricy, sont transportés tout sanglants, percés de baïonnettes. Quatre-vingt-deux prisonniers