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LA RÉVOLUTION


la quote-part de chaque contribuable, adjugent la perception, vérifient les registres et la caisse du percepteur, visent ses quittances, déchargent les insolvables, répondent des rentrées et autorisent les contraintes[1]. Ainsi la bourse des particuliers est à leur discrétion, et ils y puisent ce qu’ils jugent appartenir au public. — Ayant la bourse et l’épée, rien ne leur manque pour être maîtres, d’autant plus qu’en toute loi l’application leur appartient, que nulle injonction de l’Assemblée au roi, du roi aux ministres, des ministres aux départements, du département aux districts, du district aux communes, n’aboutit à l’effet local et réel que par eux, que chaque mesure générale subit leur interprétation particulière, et peut toujours être défigurée, amortie, exagérée, au gré de leur timidité et de leur inertie, de leur violence et de leur partialité. — Aussi bien ils ne tardent guère à sentir leur force. De toutes parts on les voit argumenter contre leurs supérieurs, contre les ordres du district, du département, des ministres, de l’Assemblée elle-même, alléguer les circonstances, leur manque de moyens, leur danger, le salut public, ne pas obéir, agir d’eux-mêmes, désobéir en face, se glorifier d’avoir désobéi et réclamer en droit la toute-puissance qu’ils exercent en fait. Ceux de Troyes[2], à la Fête de la Fédération, refusent de subir

  1. Lois du 14 novembre. 23 novembre 1790, du 13 janvier, 26 septembre, 9 octobre 1791.
  2. Albert Babeau. I, 327 (Fête de la Fédération du 14 juillet 1790). — Archives nationales, F7, 3215 (17 mai 1791, délibération du conseil général de la commune de Brest. 17 et 19 mai,