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LA RÉVOLUTION


fonctionnent que par un effort égal : dans une seule branche d’administration[1], ils occupent 2988 administrateurs au département, 6950 au district. 1 175 000 à la commune, en tout près de 1 200 000 administrateurs, et l’on a vu si leur office est une sinécure. Jamais machine n’a requis pour s’établir et marcher une aussi prodigieuse dépense de forces. Aux États-Unis, où maintenant elle se fausse par son propre jeu, on a calculé que, pour satisfaire au vœu de la loi et maintenir chaque rouage à sa place exacte, il faudrait que chaque citoyen donnât par semaine un jour entier, un sixième de son temps aux affaires publiques. En France, où le régime est nouveau, où le désordre est universel, où le service de garde national vient compliquer le service d’électeur et d’administrateur, j’estime qu’il faudrait deux jours. À cela aboutit la Constitution ; telle est son injonction latente et finale : chaque citoyen actif donnera aux affaires publiques un tiers de son temps.

Or ces douze cent mille administrateurs, ces trois ou quatre millions d’électeurs et de gardes nationaux sont justement les hommes de France qui ont le moins de loisir. En effet, dans la classe des citoyens actifs sont compris presque tous les hommes qui travaillent de leur esprit ou de leurs bras. La loi n’a mis à l’écart que les domestiques appliqués au service de la personne et les simples manœuvres qui, dépourvus de toute propriété ou de revenu, gagnent moins de vingt et un sous par jour. Partant, un garçon meunier attaché au service

  1. Ferrières, I, 367.