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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


C’est un organe nouveau, spontané, supplémentaire et parasite, qui, à côté des organes légaux, se développe dans le corps social. Insensiblement, il va grossir, tirer à soi la substance des autres, les employer à ses fins, se substituer à eux, agir par lui-même et pour lui seul, sorte d’excroissance dévorante dont l’envahissement est irrésistible, non seulement parce que les circonstances et le jeu de la Constitution la nourrissent, mais encore parce que son germe, déposé à de grandes profondeurs, est une portion vivante de la Constitution.

En effet, en tête de la Constitution et des décrets qui s’y rattachent, s’étale la Déclaration des Droits de l’homme. Dès lors, et de l’aveu des législateurs eux-mêmes, il faut distinguer deux parties dans la loi : l’une supérieure, éternelle, inviolable, qui est le principe évident par lui-même ; l’autre inférieure, passagère, discutable, qui comprend les applications plus ou moins exactes ou erronées. Nulle application ne vaut si elle déroge au principe. Nulle institution ou autorité ne mérite obéissance si elle est contraire aux droits qu’elle a pour but de garantir. Antérieurs à la société, ces droits sacrés priment toute convention sociale, et, quand nous voulons savoir si l’injonction légale est légitime, nous n’avons qu’à vérifier si elle est conforme au droit naturel. Reportons-nous donc, en chaque cas douteux ou difficile, vers cet évangile philosophique, vers ce catéchisme incontesté, vers ces articles de foi primordiaux que l’Assemblée nationale a proclamés. — Elle-même, expressément, nous y invite. Car elle nous