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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


nationaux d’Arras écrivent « qu’on ne saurait douter de leur scélératesse, sans mériter d’être soupçonné leur complice… Toute la ville se réunirait pour former un vœu contraire à celui que nous vous exprimons, que cela prouverait seulement qu’elle est remplie d’ennemis de la Constitution » ; et, séance tenante, malgré la loi, malgré les remontrances des autorités, ils exigent la fermeture des églises. — À Boulogne-sur-Mer, un navire anglais ayant embarqué des volailles, du gibier et des œufs, « la garde nationale, de son autorité privée », se transporte à bord et enlève la cargaison. Là-dessus, la municipalité accommodante approuve le coup de main, déclare la cargaison confisquée, ordonne qu’elle soit vendue, et en adjuge le produit moitié à la garde nationale, moitié aux bureaux de charité. Vaine concession : la garde nationale juge que moitié est trop peu, « injurie et menace les officiers municipaux », et sur-le-champ procède elle-même au partage du tout en nature : chacun s’en retourne chez soi avec son lot de lièvres et de poulets volés[1] ; devant les fusils de leurs administrés, il faut bien que les magistrats se taisent. — Tantôt, et c’est le cas le plus fréquent, ils sont timides, et n’essayent pas même de résister. À Douai[2], les

    tués sont ainsi forcés de céder à la volonté arbitraire d’une multitude égarée, il n’y a plus de gouvernement, nous sommes dans la plus affligeante anarchie. — Si vous le croyez plus convenable, je proposerai au roi la cassation de votre dernier arrêté. »

  1. Archives nationales, F7, 3250. Lettre de M. Duport, ministre de la justice, 22 décembre 1791.
  2. Archives nationalesF7, 3248. Procès-verbal des membres