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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


les fondateurs, qui, par égard pour la municipalité, ont attendu deux mois, louent une autre salle rue des Petites-Écuries, et, le 28 mars, ils ouvrent leurs séances. « En arrivant, écrit l’un d’eux, nous trouvons un attroupement, des ivrognes, de petits braillards, des femmes en haillons, des soldats qui les excitaient, et surtout de ces terribles aboyeurs armés de bons gourdins noueux longs de 2 pieds et qui sont d’excellents casse-tête[1]. » C’est un coup monté : il n’y en a d’abord que trois ou quatre cents, au bout de dix minutes cinq ou six cents ; un quart d’heure après, ils sont peut-être quatre mille, raccolés de toutes parts, bref le personnel ordinaire de l’émeute : « Les gens du quartier assuraient que pas une de ces figures ne leur était connue. » Quolibets, puis injures, gourmades, coups de bâton et coups de sabre : les membres de la Société, « qui étaient convenus de venir sans armes », sont dispersés, plusieurs jetés à terre, traînés par les cheveux, douze ou quinze blessés. Pour justifier l’attaque, on montre des cocardes blanches qu’on prétend trouvées dans leurs poches ; le maire Bailly n’arrive que lorsque tout est terminé, et, par mesure « d’ordre public », l’autorité municipale ferme définitivement le club des monarchistes constitutionnels.

Grâce à ces attentats de la faction et à cette connivence des autorités, les autres clubs analogues sont

  1. Ferrières, II, 222 : « Les Jacobins envoyèrent cinq ou six cents affidés, armés de bâtons, » outre « une centaine de gardes nationaux et quelques coureuses du Palais-Royal. »