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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


V

Telle est la pression sous laquelle on vote en France pendant l’été et l’automne de 1791. Partout les visites domiciliaires, le désarmement, le danger quotidien forcent les nobles et les ecclésiastiques ; les propriétaires et les gens cultivés à quitter leur résidence, à se réfugier dans les grandes villes, à émigrer[1], ou, tout au moins, à s’effacer, à se clore étroitement dans la vie privée, à s’abstenir de toute propagande, de toute candidature et de tout vote. Ce serait folie à eux que de se montrer dans tant de cantons où les perquisitions ont abouti à la jacquerie ; en Bourgogne et dans le Lyonnais, où les châteaux sont saccagés, où de vieux gentilshommes sont meurtris et laissés pour morts, où M. Guillin vient d’être assassiné et dépecé ; à Marseille, où les chefs du parti modéré sont en prison, où un régiment suisse sous les armes suffit à peine pour exécuter l’arrêt du tribunal qui les élargit, où, si quelque imprudent s’oppose aux motions jacobines, on le fait taire en l’avertissant qu’on va l’enterrer vif ; à Toulon, où les Jacobins fusillent les modérés et la troupe, où un capitaine de vaisseau, M. de Beaucaire, est tué d’un coup de feu dans le dos,

    con ont échappé avec peine au même péril. » — Ib. Lettre des administrateurs des Hautes-Alpes à l’Assemblée nationale (septembre 1791) sur les troubles de l’assemblée électorale de Gap le 29 août 1791.

  1. La Révolution, III, 249-251 ; IV, 196-198, 211-213. — Lauvergne, Histoire du département du Var, 104 (23 août 1791).