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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


« été les purs et incorruptibles tabellions par-devant lesquels mes bons ancêtres en ont passé les contrats ; leur authenticité, mieux tracée sur la terre que sur de frêles parchemins, est à l’abri de toutes les révolutions possibles. » — Conçoit-on que le rapporteur d’une loi qui va exiler ou emprisonner quarante mille prêtres apporte en manière d’arguments des niaiseries aussi boursouflées que celles-ci[1] ? « J’ai vu dans les campagnes les flambeaux de l’hyménée ne jeter plus qu’une lueur pâle et sombre, ou changés en torches des furies, le squelette hideux de la superstition s’asseoir jusque dans la couche nuptiale, se placer entre la nature et les époux, et arrêter le plus impérieux des penchants… Ô Rome, es-tu contente ? Es-tu donc comme Saturne, à qui il faut tous les jours des holocaustes nouveaux ?… Partez, artisans de discordes ; le sol de la liberté est fatigué de vous porter. Voulez-vous aller respirer l’air du mont Aventin ? Le vaisseau de la patrie est déjà prêt ; j’entends sur le rivage les cris impatients des matelots, le vent de la liberté enflera les voiles ; vous irez, comme Télémaque, cher-

  1. Moniteur, XII, 230, séances du 26 avril et du 5 mai. Rapport et discours de Français de Nantes. Il faudrait citer le discours entier, qui est un trésor de comique. « Dis-moi, pontife de Rome, quels sentiments t’agiteront quand tu recevras tes dignes et fidèles coopérateurs ?… Je vois tes doigts sacrés préparer aussitôt ces foudres pontificales qui, etc… Qu’on apporte ici le réchaud de Scévola, et, les mains tendues sur le brasier, nous prouverons qu’il n’est sorte de tourments ni de supplices qui puissent faire froncer le sourcil de celui que l’amour de la patrie élève au-dessus de l’humanité ! » — Si, à ce moment, on lui eût mis sous la main une bougie allumée !