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LA RÉVOLUTION


son rapport final, de recouvrir la vérité déplaisante sous des phrases pompeuses et trompeuses ; mais il suffisait de parcourir le résumé du mois pour vérifier si, comme il l’assurait, « l’exécution des décrets était complète dans toutes les parties de l’empire ». — « Où est-elle, demandait Mallet du Pan, cette exécution complète[1] ? Est-ce à Toulon, au milieu des morts et des blessés qui se sont fusillés à la face de la municipalité et du directoire ébahis ? Est-ce à Marseille, où deux particuliers ont été assommés et massacrés comme aristocrates », sous prétexte « qu’ils vendaient aux petits enfants des dragées empoisonnées pour commencer la contre-révolution ? Est-ce à Arles, contre laquelle 4000 Marseillais, lancés par le club, se mettent en marche en ce moment même ? Est-ce à Bayeux, où le sieur Fauchet, décrété de prise de corps » et frappé d’incapacité politique, vient d’être élu député à la Législative ? « Est-ce à Blois, où le commandant, dévoué à la mort pour avoir tenté l’exécution des décrets, a été forcé de renvoyer un régiment fidèle et de se soumettre à un bataillon licencieux ? Est-ce à Nîmes, où le régiment de Dauphiné, quittant la ville par l’ordre du ministre, a reçu du peuple » et du club « l’ordre de désobéir au ministre et de rester ? Est-ce dans ces régiments que leurs officiers, le pistolet sur la poitrine, ont été contraints d’abandonner pour faire place à des amateurs ? Est-ce à Toulouse, où, à la fin d’août,

  1. Mercure de France, n° du 24 septembre 1791. — Cf. Rapport de M. Alquier (séance du 25 septembre).