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LA RÉVOLUTION


manque de travail et la disette de blé. « Un grand nombre d’hommes riches, dit Français de Nantes[1], laissent leurs propriétés sans valeur et leurs terres en friche pour avoir le plaisir de faire crier le peuple. » On divise la France en deux partis : d’un côté l’aristocratie, à laquelle on attribue tous les vices ; de l’autre côté le peuple, à qui l’on confère toutes les vertus. Chaque jour, dit Lamarque[2], la défense de la liberté est lâchement abandonnée par les riches, par les ci-devant nobles, qui n’avaient pris le masque du patriotisme que pour nous tromper. Ce n’est pas dans cette classe, mais seulement dans les citoyens qu’on appelle dédaigneusement le peuple, qu’on trouvera des âmes pures, des âmes ardentes et véritablement dignes de la liberté. » — Encore un pas, et l’on va tout permettre aux bons contre les mauvais : tant pis pour les aristocrates s’il leur arrive malheur. Ces officiers qu’on lapide, M. de la Jaille et les autres, « ne feraient-ils pas mieux de ne pas mériter d’être sacrifiés aux fureurs du peuple[3] ? » Et, du haut de la tribune, Isnard

  1. Moniteur, XII, 230, séance du 26 avril.
  2. Ib., XII, 730, séance du 22 juin.
  3. Paroles de Brissot (Patriote Français, n° 887). — Lettre écrite le 5 janvier au club de Brest par MM. Cavellier et Malassis, députés à l’Assemblée nationale ; « Quant à l’événement du sieur La Jaille, malgré que nous prenions intérêt à lui, l’insigne aristocrate ne l’a que trop mérité… Nous ne serons tranquilles que lorsque nous aurons exterminé les traîtres, les parjures, que nous avons épargnés trop longtemps. » (Mercure de France, n° du 4 février). — Cette affaire La Jaille est une des plus instructives et des mieux documentées. (Mercure de France, nos du 10 et du 17 décembre. — Archives nationales, F7, 3215, procès-