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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


« et qu’ils crient » ; ce club de Paris d’où les honnêtes gens laborieux et instruits se sont retirés un à un, pour faire place aux intrigants endettés, aux gens tarés, aux hypocrites de patriotisme, aux amateurs de bruit, aux talents avortés, aux cerveaux avariés, aux déclassés de tout ordre et de toute espèce qui, n’ayant su faire leurs affaires privées, se dédommagent sur les affaires publiques. Il montrait, autour de la manufacture centrale, douze cents succursales d’émeutes, douze cents sociétés affiliées, qui, « se tenant par la main, forment une sorte de chaîne électrique autour de la France » et la secouent à toute impulsion partie du centre ; leur confédération installée et intronisée, non pas seulement comme un État dans l’État, mais comme un État souverain dans un État vassal ; des administrations mandées à leur barre, des arrêts de justice cassés par leur intervention, des particuliers visités, taxés, condamnés par leur arbitraire ; l’apologie incessante et systématique de l’insubordination et de la révolte ; « sous le nom d’accaparements et de monopoles, le commerce et l’industrie représentés comme des délits » ; toute propriété ébranlée, tout riche suspect, « les talents et la probité réduits au silence » ; bref une conjuration publique contre la société au nom de la société même, et « l’effigie sainte de la liberté employée à sceller » l’impunité de quelques tyrans.

Une pareille protestation disait tout haut ce que la plupart des Français murmuraient tout bas, et de mois en mois des excès plus graves soulevaient une répro-