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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


est la même. D’un côté sont les déclassés de tout état, « les dissipateurs qui, ayant consumé leur patrimoine, ne peuvent souffrir ceux qui en ont un, les hommes de néant à qui le désordre ouvre la porte de la richesse et des emplois publics, les envieux, les ingrats qu’un jour de révolution acquitte envers leurs bienfaiteurs, les têtes ardentes, les novateurs enthousiastes qui prêchent la raison le poignard à la main, les indigents, la plèbe brute et misérable, qui, avec une idée principale d’anarchie, un exemple d’impunité, le silence des lois et du fer, est excitée à tout oser. » De l’autre côté sont les gens paisibles, sédentaires, occupés de leurs affaires privées, bourgeois ou demi-bourgeois d’esprit et de cœur, « affaiblis par l’habitude de la sécurité ou des jouissances, étonnés

    dans le boire et le manger, entra dans le château, s’y comporta avec la plus grande brutalité : car, soit pendules, glaces, portes, armoires, vitres, papiers, enfin tout ce qui se rencontrait devant eux, rien ne fut ménagé. Il s’en détacha même une quarantaine pour aller à un village bien patriote : elle se fit donner une certaine somme dans toutes les maisons, et ceux qui voulaient s’y refuser étaient menacés de mort. » De plus la garde nationale de Boisset emporte les meubles du château. — L’embarras des municipalités aux prises avec les expéditions jacobines est burlesque (Lettre des officiers municipaux de Cottines au directoire de Saint-Flour, 26 mars) : « Nous sommes bien aises de vous faire savoir qu’il y a un attroupement dans notre paroisse, où il y a plusieurs habitants de municipalités voisines, et qu’on s’est porté dans la maison du sieur Tassy et qu’on demande une somme dont nous n’avons pas encore connaissance, et que les habitants ne voudront pas se retirer sans cette somme, afin de pouvoir faire vivre cet attroupement, de manière que ces gens-là ne se sont rassemblés que pour maintenir la Constitution et donner plus d’éclat à la loi. »