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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


rester en travers de la voie, on lui marchera dessus. — Ce n’est pas qu’il soit dangereux et songe à sortir de son immobilité légale. Jusqu’au 10 août, par horreur de l’action et pour ne pas allumer la guerre civile, il rejettera tous les plans qui pourraient amener une rupture ouverte. Jusqu’au dernier jour, il s’en remettra, même pour son salut propre et pour la sûreté de sa famille, à la loi constitutionnelle et à la raison publique. Avant de renvoyer Servan et Roland, il a voulu donner un gage éclatant de ses intentions pacifiques, il a sanctionné la dissolution de sa garde, — il s’est désarmé, non seulement pour l’attaque, mais pour la défense : dorénavant, il attend chez lui l’émeute dont chaque jour on le menace ; il est résigné à tout, sauf à tirer l’épée, et son attitude est celle d’un chrétien dans un cirque[1]. — Mais la proposition d’un camp sous Paris a soulevé une protestation de 8000 gardes nationaux parisiens ; de son camp, La Fayette dénonce à l’Assemblée les usurpations du parti jacobin ; la faction voit son règne menacé par le réveil et l’union des amis de l’ordre. Il lui faut un coup de main : depuis un mois, elle le prépare, et, pour refaire les journées des 5 et 6 octobre, les matériaux ne lui manquent pas.

  1. Mallet du Pan, Mémoires, I, 303. Lettre de Malouet, 29 juin : « Le roi est calme, résigné à tout ; il écrivait, le 19, à son confesseur : « venez, monsieur ; je n’eus jamais autant besoin de vos consolations : j’ai fini avec les hommes, c’est vers le ciel que se portent mes regards. On annonce pour demain de grands malheurs : j’aurai du courage. » — Lettres de Coray au Protopsalte de Smyrne (traduites par le marquis de Queux de Saint-Hilaire, 145), 1er  mai : « La cour est à chaque instant dans un