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LA RÉVOLUTION


21 juin[1], il se dresse pour recommencer. Pendant les cinquante jours qui suivent, il ne cesse de gronder, d’abord sourdement, puis avec des éclats terribles. Le 25 juin, le 14 juillet, le 27 juillet, le 3 août, le 5 août, il s’élance encore et n’est retenu qu’à grand’peine[2]. Une fois déjà, le 29 juillet, ses crocs se sont enfoncés dans la chair vivante[3]. — À chaque tournant de la discussion parlementaire, le constitutionnel sans défense voit cette gueule béante ; rien d’étonnant s’il jette ou laisse jeter en pâture au dogue tous les décrets que réclame le Girondin. — Sûrs de leur force, les Girondins recommencent l’attaque, et leur plan de campagne semble habilement combiné. Ils veulent bien tolérer le roi sur le trône, mais à condition qu’il n’y soit qu’un mannequin, qu’il rappelle les ministres patriotes, qu’il leur laisse choisir le gouverneur du dauphin, qu’il destitue La Fayette[4]. Sinon, l’Assemblée prononcera la déchéance et se saisira du pouvoir exécutif. Tel est le défilé à double issue dans lequel ils engagent l’Assemblée et le roi. Si le roi, acculé, ne passe point par la première porte, l’Assemblée, acculée, passera par la seconde, et, dans les deux cas, ministres tout-puis-

  1. Mortimer-Ternaux, I, 236. Lettre de Rœderer au président de l’Assemblée nationale, 25 juin : « Monsieur le Président, j’ai l’honneur de prévenir l’Assemblée qu’il se porte vers le château un rassemblement armé. »
  2. Mortimer-Ternaux, I, 245, 246. — II, 81, 131, 148, 170.
  3. Meurtre de M. Duhamel, sous-lieutenant de la garde nationale, aux Champs-Élysées, par les Marseillais.
  4. Lettre de Vergniaud et Guadet au peintre Boze (dans les Mémoires de Dumouriez). — Rœderer, Chronique des cinquante jours, 295 : — Bertrand de Moleville, Mémoires, III, 29.