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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


la même besogne ; pendant la cérémonie, la foule rugissait, et il y eut un moment où le roi dut la vie à la ferme contenance de son escorte. Le 27 juillet, dans le jardin des Tuileries, l’ancien constituant d’Éprémesnil, battu, sabré, ses habits arrachés, poursuivi comme un cerf à travers le Palais-Royal, vient tomber sanglant sur un matelas aux portes de la Trésorerie[1]. Le 29 juillet, pendant qu’un aide de camp de La Fayette, M. Bureau de Pusy, est à la barre, « on essaye au Palais-Royal la motion de promener sa tête au bout d’une pique[2] ». — À ce degré de rage et de peur, des esprits échauffés et grossiers ne peuvent plus attendre. Le 4 août[3], la section Mauconseil déclare « à l’Assemblée, à la municipalité et à tous les citoyens de Paris qu’elle ne reconnaît plus Louis XVI pour roi des Français ». Son président, un maître tailleur, et son secrétaire, un employé de la Halle aux Cuirs, appuient leur manifeste sur trois vers de tragédie qui surnagent dans leur mémoire[4], et ils donnent rendez-vous à tous les hommes de bonne

  1. Moniteur, VIII, 271, 278. Un député, pour excuser les assaillants, prétend que d’Éprémesnil excitait le peuple à se précipiter dans le jardin des Tuileries. Notez que d’Éprémesnil avait été, pendant la Constituante, l’un des hommes les plus marquants de la droite extrême. Duc de Gaëte, Mémoires, I, 18.
  2. La Fayette, I, 465.
  3. Moniteur, XIII, 327. — Mortimer-Ternaux, II, 176.
  4. Moniteur ; XIII, 340. — Le style de ces pétitions est très instructif ; on y voit l’état mental et le degré d’éducation des pétitionnaires, tantôt le demi-lettré qui essaye de répéter les raisonnements du Contrat social, tantôt l’écolier emphatique qui y récite des tirades de Raynal, tantôt le scribe du coin qui débite son assortiment de phrases.