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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


« notre roi, nous n’en voulons pas d’autre, nous le voulons ! À bas les factions ! à bas les Jacobins ! Nous le défendrons jusqu’à la mort ! qu’il se mette à notre tête ! Vive la nation, la loi, la Constitution et le roi, tout cela ne fait qu’un ! » Si les canonniers s’étaient tus et semblaient mal disposés[1], il n’y avait qu’à les désarmer brusquement et à mettre leurs pièces entre des mains fidèles. Quatre mille fusils et onze canons, abrités par les murailles des cours et par l’épaisse maçonnerie du palais, auraient eu aisément raison des neuf ou dix mille Jacobins de Paris, la plupart piquiers, mal conduits par des chefs de bataillon improvisés ou récalcitrants[2], et encore plus mal dirigés par leur nouveau général Santerre qui, toujours prudent, se tenait loin des coups à l’Hôtel de Ville. Il n’y avait de ferme sur le Carrousel que les huit cents Brestois et Marseillais ; le reste était une tourbe pareille à celle du 14 juillet, du 5 octobre, du 20 juin[3]. « Le château, dit Napoléon Bo-

  1. Procès-verbal de Leroux. Du côté du jardin, le long de la terrasse qui est au bord de l’eau, puis au retour, « peu de cris de Vive le roi ! beaucoup de Vive la nation ! Vivent les sans-culottes ! À bas le roi ! À bas le Veto ! À bas le gros cochon ! etc. — Mais je puis attester que toutes ces injures ne furent répétées, depuis le pont tournant jusqu’au parterre, que par une douzaine d’hommes, parmi lesquels étaient cinq à six canonniers qui suivaient le roi, absolument comme les mouches poursuivent l’animal qu’elles se sont acharnées à tourmenter. »
  2. Mortimer-Ternaux, III, 223, 275. — Lettre de Bonnaud, chef de bataillon de Sainte-Marguerite : « Je ne puis éviter de marcher à leur tête sous aucun prétexte… Je ne violerai jamais la Constitution, à moins que je n’y sois forcé. » — La section des Gravilliers et celle du Faubourg-Poissonnière ont cassé leurs commandants et en ont nommé d’autres.
  3. Mortimer-Ternaux, IV, 342. Discours de Fabre d’Églantine