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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


de Mirabeau. Le substitut de Manuel, Danton[1], par une double infidélité, a reçu l’argent du roi pour empêcher l’émeute et s’en est servi pour la lancer. — Varlet, cet extraordinaire déclamateur, a mené une vie si sale et si prodigue, que sa mère en est morte de cha-

  1. La Fayette, I, 467, 471 : « La reine avait fait remettre 50 000 écus à Danton peu de temps avant ces terribles journées. » — « La cour payait Danton depuis deux ans et l’employait comme espion des Jacobins. » — Correspondance de Mirabeau et du comte de la Marck, III, 82. Lettre de Mirabeau, 10 mars 1791 : « Danton a reçu hier 30 000 livres ». — Autres témoignages : Bertrand de Moleville, I, 354 ; II, 288. — Brissot, IV, 193. — Miot de Melito, Mémoires, I, 40, 42. Miot assistait aux conversations de Danton, Legendre, etc., à la table de Deforgues, ministre des affaires étrangères : « Danton ne déguisait pas son goût pour les plaisirs et pour l’argent, et se moquait des vains scrupules de conscience et de délicatesse. » — « Legendre ne tarissait pas sur les éloges de Danton, quand il parlait de ses talents comme homme public ; mais il le blâmait hautement de ses mœurs, de ses goûts fastueux, et ne s’associa jamais à aucune de ses spéculations honteuses. » — La thèse contraire a été soutenue par Robinet et Bougeart dans leurs études sur Danton. La discussion serait trop longue. Les points à noter sont les suivants : 1o Danton, avocat au conseil du roi en mars 1787, perd en 1791 environ 10 000 francs sur le remboursement de sa charge. 2o Par son contrat de mariage en juin 1787, il ne se reconnaît que 12 000 francs de patrimoine en terres et en maisons, et sa femme ne lui apporte que 20 000 francs de dot. 3o De 1787 à 1791, il a dû peu gagner d’argent, étant assidu aux Cordeliers et absorbé par la politique ; Lacretelle l’a vu dans les émeutes dès 1788. 4o Il laisse en mourant environ 85 000 francs en biens nationaux achetés en 1791. 5o Probablement il avait, outre cela, des propriétés et valeurs sous le nom de tiers qui les gardèrent après sa mort (Comte de Martel, Types révolutionnaires, seconde partie, 139. Enquête de Blache à Choisy-sur-Seine où un certain Fauvel semble avoir été le prête-nom de Danton). — Voir, sur cette question, les Avocats aux conseils du roi, par Émile Bos, 513 à 520. Il résulte des comptes établis par M. Bos que Danton, à la fin de 1791, avait environ 53 000 francs de dettes ; c’est ce trou qui fut bouché par l’argent de la cour. D’autre part, Danton,