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LA RÉVOLUTION


s’assemblent pour le former : c’est un fou qui a de la logique, et un monstre qui se croit de la conscience. Sous l’obsession de son dogme et de son orgueil, il a contracté deux difformités, l’une de l’esprit, l’autre du cœur : il a perdu le sens commun, et il a perverti en lui le sens moral. À force de contempler ses formules abstraites, il a fini par ne plus voir les hommes réels ; à force de s’admirer lui-même, il a fini par ne plus apercevoir dans ses adversaires et même dans ses rivaux que des scélérats dignes du supplice. Sur cette pente, rien ne peut l’arrêter ; car, en qualifiant les choses à l’inverse de ce qu’elles sont, il a faussé en lui-même les précieuses notions qui nous ramènent à la vérité et à la justice. Aucune lumière n’arrive plus aux yeux qui prennent leur aveuglement pour de la clairvoyance ; aucun remords n’atteint plus l’âme qui érige sa barbarie en patriotisme et se fait des devoirs de ses attentats.