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LA RÉVOLUTION


imprévoyance et fatigue, par aversion pour le tapage électoral, par manque de préférences politiques, par dégoût pour tous les candidats qui se présentent, elle se dérobe à la tâche que la Constitution lui imposait. — Ce n’est pas pour s’en imposer une autre collatérale, plus pesante et de surcroît, je veux dire le travail assidu que comporte une nouvelle ligue. Des hommes qui ne trouvent pas le temps de venir quatre fois par an mettre un bulletin dans une boîte ne viendront pas trois fois par semaine assister aux séances du club. Bien loin de s’ingérer dans le gouvernement, ils abdiquent, et ils n’entreprendront point de le conduire, puisqu’ils refusent de le nommer.

Tout au rebours, les orgueilleux et les dogmatiques qui ont pris au sérieux leur titre de rois : non seulement ils votent aux élections, mais ils entendent retenir pour eux l’autorité qu’ils délèguent. À leurs yeux, tout magistrat est leur créature et demeure leur justiciable ; car, en droit, la souveraineté du peuple ne peut être aliénée par le peuple, et, en fait, la jouissance du pouvoir leur a semblé si douce, qu’après l’avoir exercé ils ne consentent plus à s’en dessaisir[1]. Pendant les six mois qui ont précédé les

    25 000 ont voté dans les assemblées primaires. À Saint-Chély, chef-lieu du district, quelques brigands armés parvinrent à former seuls l’assemblée primaire et à substituer l’élection qu’ils firent à celles de huit paroisses dont les citoyens effrayés se retirèrent… À Langogne, chef-lieu de canton et de district, sur plus de 400 citoyens actifs, 22 ou 23 tout au plus, tels qu’on peut les supposer dès que leur présence écartait tous les autres, formèrent seuls l’assemblée. »

  1. Exemple de ce pouvoir et des satisfactions qu’il comporte.