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LA RÉVOLUTION


saura les flatter pour s’en servir. Par suite, à côté du gouvernement légal qui ne peut ni les réprimer ni les satisfaire, il se forme un gouvernement illégal qui les autorise, les excite et les conduit. À mesure que le premier se décompose et s’affaisse, le second s’affermit et s’organise, jusqu’à ce qu’enfin, devenu légal à son tour, il prenne la place du premier.

I

Dès l’origine, pour justifier toute explosion et tout attentat populaire, une théorie s’est rencontrée, non pas improvisée, surajoutée, superficielle, mais profondément enfoncée dans la pensée publique, nourrie par le long travail de la philosophie antérieure, sorte de racine vivace et persistante sur laquelle le nouvel arbre constitutionnel a végété : c’est le dogme de la souveraineté du peuple. — Pris à la lettre, il signifie que le gouvernement est moins qu’un commis, un domestique[1]. C’est nous qui l’avons institué, et, après comme avant son institution, nous restons ses maîtres. Entre nous : et lui, point de contrat » indéfini ou du moins durable « qui ne puisse être annulé que par un consentement mu-

  1. Cf. l’Ancien Régime, II, 64. Ces textes sont extraits du Contrat social. — Buchez et Roux, Histoire parlementaire, XXVI, 96. Déclaration des Droits lue par Robespierre aux Jacobins le 21 avril 1795, et adoptée par la Société comme sienne. « Le peuple est le souverain, le gouvernement est son ouvrage et sa propriété, les fonctionnaires publics sont ses commis. Le peuple peut, quand il lui plaît, changer son gouvernement et révoquer ses mandataires. »