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LES JACOBINS


de la loi, puisque la seule loi pour eux est l’arbitraire du peuple. Ils marchent sans hésitation contre le gouvernement, puisque le gouvernement pour eux est un commis que le peuple a toujours le droit de mettre à la perte. L’insurrection leur agrée, car par elle le peuple rentre dans sa souveraineté inaliénable. La dictature leur convient, car par elle le peuple rentre dans sa souveraineté illimitée. D’ailleurs, comme les casuistes, ils admettent que le but justifie les moyens[1]. « Périssent les colonies plutôt qu’un principe ! » disait l’un d’eux à la Constituante. « Le jour où je serai convaincu, écrit Saint-Just, qu’il est impossible de donner au peuple français des mœurs douces, énergiques, sensibles, inexorables à la tyrannie et à l’injustice, je me poignarderai. » Et, en attendant, il guillotine les autres. « Nous ferons un cimetière de la France, disait Carrier, plutôt que de ne pas la régénérer à notre manière[2]. » Toujours, pour s’emparer du gouvernail, ils

    par les dix-neuf vingtièmes de la France… » — Durand de Maillane, 49. Après le 20 juin 1792, aversion générale contre les Jacobins. « Les communes de France, partout lasses et mécontentes des sociétés populaires, auraient voulu s’en débarrasser pour n’être plus dans leur dépendance. »

  1. Paroles de Leclerc, député du Comité lyonnais, aux Jacobins de Paris, 12 mai 1793 : « Il faut établir le machiavélisme populaire ; il faut faire disparaître de la surface de la France tout ce qu’il y a d’impur… On me traitera sans doute de brigand, mais il est un moyen de se mettre au-dessus de la calomnie, c’est d’exterminer les calomniateurs. »
  2. Buchez et Roux, XXXIV, 204. Déposition de François Lamarie. — Recueil de pièces authentiques pour servir à l’histoire de la Révolution à Strasbourg, II, 210. Discours de Baudot à la société des Jacobins de Strasbourg, 19 frimaire, an II : « Les égoïstes,