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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


les excite, ils coupent les oreilles et le nez, et arrivent avec le pauvre homme sanglant devant l’Hôtel de ville. À cette vue, un notaire, homme sensible, qu’on a mis là en sentinelle, est saisi d’horreur, se sauve, et les autres gardes nationaux du poste se hâtent de fermer la grille. Les Parisiens, poussant toujours leur captif, vont au district, puis au département, « pour dénoncer les aristocrates » ; en chemin, ils continuent à frapper sur le vieillard, qui tombe ; alors ils lui tranchent la tête, mettent le corps en morceaux et promènent la tête au bout d’une pique. Cependant, dans la même ville vingt-deux gentilshommes, à Beaune quarante prêtres et nobles, à Dijon quatre-vingt-trois chefs de famille, écroués comme suspects sans interrogatoire ni procès et détenus à leurs frais pendant deux mois sous les piques, se demandent chaque matin si la populace et les volontaires, qui poussent des cris de mort dans les rues, ne vont pas les élargir comme à Paris[1]. — Un rien suf-

  1. Archives nationales, F7, 3207. Lettres du directoire de la Côte-d’Or, 28 août et 26 septembre. — Adresse de la municipalité de Beaune, 2 septembre. — Lettre de M. Jean Sellier, 9 octobre : « Permettez-moi, monsieur, de réclamer votre justice et votre sollicitude pour mon frère, moi et cinq domestiques qui, le 14 septembre dernier, sur l’ordre de la municipalité de Roche-en-Bressy, lieu de notre résidence depuis trois ans, avons été arrêtés par la garde nationale de Saulieu, transférés d’abord dans les prisons de cette ville, puis, le 18, dans celles de Semur, sans y consigner les motifs de notre détention, où nous avons en vain réclamé par requête la justice du directoire du district ; lequel, sans nous interroger ni rien faire connaître, nous a renvoyés, le 25, avec des frais énormes, à Dijon, où le département nous a fait écrouer, toujours sans rien consigner. » — Le directoire du département écrit que « les communes des villes et des cam-