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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


logis, fait maison nette. — Dans les seuls services administratifs et judiciaires, treize cent mille places ; toutes celles des finances, des travaux publics, de l’instruction publique et de l’Église ; dans la garde nationale et l’armée, tous les postes, depuis celui de commandant en chef jusqu’à celui de tambour ; tout le pouvoir central ou local, avec le patronage immense qui en dérive : jamais pareil butin n’a été mis en tas et à la fois sur la place publique. En apparence, l’élection fera les lots ; mais il est trop clair que les Jacobins n’entendent pas livrer leur proie aux hasards d’un scrutin libre : ils la garderont, comme ils l’ont prise, de force, et n’omettront rien pour maîtriser les élections.

II

Pour commencer, ils se sont frayé la voie. Dès le premier jour[1], les faibles et dernières garanties d’indépendance, d’honorabilité et de compétence que la loi exigeait encore de l’électeur et de l’éligible ont été supprimées par décret. Plus de distinction entre les citoyens actifs et les citoyens passifs ; plus de différence entre le cens de l’électeur du premier degré et le cens de l’électeur du second degré : plus de cens électoral. Tous les Français, sauf les domestiques dont on se défie parce qu’on les suppose sous l’influence de leurs maîtres, pourront voter aux assemblées primaires, et ils voteront, non plus à partir de vingt-cinq ans, mais dès

  1. Décret du 11-12 août 1792.