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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


je ne parle pas ici des nobles ou des amis de l’ancien régime, qui sont en fuite ou en prison, mais des monarchistes-constitutionnels et des Feuillants. De leur part, toute initiative électorale serait une folie, presque un suicide. Aussi bien, pas un d’eux ne se met en avant. Si quelque modéré honteux, comme Durand de Maillane, figure sur une liste, c’est que les révolutionnaires l’ont adopté sans le connaître et qu’il jure haine à la royauté[1]. Les autres qui, plus francs, ne veulent pas endosser la livrée populaire et recourir au patronage des clubs, se gardent soigneusement de se présenter ; ils savent trop bien que ce serait désigner leurs têtes aux piques et leurs maisons au pillage. Au moment même du vote, les propriétés de plusieurs députés sont saccagées, par cela seul que, « dans le tableau comparatif des sept appels nominaux » envoyé aux départements par les Jacobins de Paris, leurs noms se trouvent à droite[2]. — Par un surcroît de précautions, les constitutionnels de la Législative ont été retenus dans la capitale ; on leur

  1. Archives nationales, CII, 1 à 32. Procès-verbal de l’assemblée électorale des Bouches-du-Rhône, discours de Durand de Maillane : « Pourrais-je, dans la Convention nationale, être différent de moi-même sur le compte du ci-devant Louis XVI, qui, dès sa fuite du 21 juin, m’a paru indigne du trône ? Pourrai-je, après tous les crimes de nos rois, ne pas abhorrer la royauté ? »
  2. Moniteur, XIII, 623, séance du 8 septembre. Discours de Larivière. — Archives nationales, CII, 1 à 83 (Les procès-verbaux des assemblées électorales mentionnent fréquemment l’envoi de ce tableau comparatif, et les Jacobins qui l’envoient invitent l’assemblée électorale à en faire la lecture, séance tenante.) Voyez, par exemple, le procès-verbal de l’assemblée électorale de l’Ardèche. — Balleydier, I, 79. (Lettre de Laussel, datée de Paris, 27 août 1792.)