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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


sardes qui réclament des armes[1]. L’assemblée du Pas-de-Calais élargit et applaudit une femme détenue pour avoir battu la caisse dans un attroupement populaire. L’assemblée de Paris fraternise avec les égorgeurs de Versailles et avec les assassins du maire d’Étampes. L’assemblée des Bouches-du-Rhône donne un certificat de vertu à Jourdan, le massacreur de la Glacière. L’assemblée de Seine-et-Marne applaudit à la proposition de fondre un canon qui puisse contenir, en guise de boulet, la tête de Louis XVI et la lancer à l’ennemi. — Rien d’étonnant si un corps électoral qui ne respecte rien ne se respecte pas lui-même ; et se mutile sous prétexte de s’épurer[2]. Tout de suite la majorité despotique a voulu régner sans conteste, et de son autorité propre elle a expulsé les électeurs qui lui déplaisaient. À Paris, dans l’Aisne, dans la Haute-Loire, dans l’Ille-et-Vilaine, dans le Maine-et-Loire, elle exclut, comme indignes, les membres des anciens clubs feuillants ou monarchiques et les signataires des protestations con-

  1. Archives nationales, CII, 1 à 76, passim, notamment les procès-verbaux des assemblées des Bouches-du-Rhône, de l’Hérault et de Paris. Discours de Barbaroux à l’assemblée électorale des Bouches-du-Rhône : « Frères et amis, la liberté périt, si vous ne nommez à la Convention nationale des hommes qui portent dans leur cœur la haine des rois depuis quatre ans. Je délivrerai la France de cette race malfaisante, ou je mourrai. Avant mon départ, je signerai ma sentence de mort, je désignerai tous les objets de mon affection, j’indiquerai tous mes biens, je déposerait sur le bureau un poignard, il sera destiné à me percer le cœur, si je suis infidèle un moment à la cause du peuple. » (Séance du 3 septembre.) — Guillon de Montléon, I, 135. — Sauzay, III, 140.
  2. Durand de Maillane, I, 33. Dans l’assemblée électorale des Bouches-du-Rhône, « on voulait tuer un électeur accusé ou soupçonné d’aristocratie ».