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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


des Parisiens, quelle que soit leur condition, le gouvernement installé par la dernière comédie électorale n’a qu’une autorité de fait ; on s’y résigne, faute d’un autre, et tout en reconnaissant qu’il ne vaut rien[1] ; c’est un gouvernement d’étrangers, intrus, tracassiers, maladroits, faibles et violents. Ni dans le peuple, ni dans la bourgeoisie, la Convention n’a de racines, et, à mesure qu’elle glisse plus bas sur la pente révolutionnaire, elle rompt un à un les fils par lesquels elle se rattachait encore les indifférents.

Après huit mois de règne, elle s’est aliéné toute l’opinion publique ; « Presque tous ceux qui ont quelque chose sont modérés[2] », et tous les modérés sont contre elle. « Les gendarmes qui sont ici parlent ouvertement contre la révolution, jusqu’à la porte du Tribunal révolutionnaire dont ils improuvent hautement les jugements. Tous les vieux soldats détestent le régime actuel[3]. » — Les volontaires « qui reviennent de l’armée paraissent fâchés de ce qu’on ait fait mourir le roi, et, à cause de cela seul, ils écorcheraient tous les Jacobins[4] ». — Aucun parti de la Convention n’échappe à cette désaffection universelle et à cette aversion croissante. « Si l’on décidait par appel nominal la question de guillotiner tous les membres de la Convention, il y

  1. Schmidt, I, 347 (Dutard, 30 mai) : « Que vois-je en ce moment ? Un peuple mécontent qui hait la Convention, tous les administrateurs et, généralement, l’ordre de choses actuel. »
  2. Ib, I, 278 (Dutard, 23 mai).
  3. Ib., I, 216 (Dutard, 13 mai).
  4. Ib., I, 240 (Dutard, 17 mai).